Actualité récente de la Cour de Cassation sur le pouvoir disciplinaire de l'employeur et sur les frais professionnels

Le 02/12/2025

Une faute identique n’impose pas une sanction identique entre deux salariés

Cass. soc., 17 septembre 2025, n° 23-22.456

 

S’il est interdit à l’employeur, à peine de nullité de la mesure, de pratiquer une discrimination, au sens de l’article L 1132-1 du Code du travail, il lui est permis, dans l’intérêt de l’entreprise, et dans l’exercice de son pouvoir d’individualisation des mesures disciplinaires, de sanctionner différemment des salariés ayant participé à une même faute.

En d’autres termes, le fait de sanctionner différemment des salariés ne constitue pas en soi une discrimination au sens de la loi. L’employeur peut même décider de ne pas sanctionner l’ensemble des salariés fautifs, mais seulement certains d’entre eux (Cass. soc., 17 décembre 1996 n° 95-41.585 ; Cass. soc., 20 janvier 1999 n° 96-45.340).

En l’espèce, des soupçons d’abus sexuels sur mineurs sont survenus au sein d’une famille bénéficiant d’un contrat d’aide éducative via une association. Trois salariées de cette structure ont été sanctionnées pour avoir révélé tardivement ces faits à leur direction. Deux ont fait l’objet d’un licenciement pour faute grave, la troisième d’un avertissement. L’une des salariées licenciées a saisi la justice pour contester la rupture de son contrat.

Dans cette affaire la Cour de cassation a relevé que l’individualisation des sanctions disciplinaires était justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination ou détournement de pouvoir.

En effet, il ressort des éléments factuels que les premiers éléments laissant craindre des abus sexuels sur mineures avaient été connus en décembre 2018, sans qu’il en soit fait état auprès de la hiérarchie. À ce stade, toutes les salariées étaient donc fautives.

Puis de nouveaux éléments alarmants étaient apparus en janvier et février 2020 et n’avaient là encore pas donné lieu à signalement immédiat.

Mais l’une des salariées ne suivait plus la famille en question depuis septembre 2019. Il ne pouvait donc pas lui être reproché de ne pas avoir fait état de ces nouveaux éléments. C’est la raison pour laquelle l’employeur a choisi de ne la sanctionner « que » par un avertissement, au titre du défaut de signalement des faits de décembre 2018.

À l’inverse, l’autre salariée avait toujours la charge du suivi de la famille sur la période janvier/février 2020, de sorte qu’elle avait manqué à ses obligations à plusieurs reprises. Le choix d’une sanction plus lourde était donc fondé.

Pas de remboursement de frais professionnels sans justification

Cass. soc., 10 septembre 2025, n° 24-11.064

En application de la règle selon laquelle les frais professionnels engagés par le salarié doivent être supportés par l’employeur, les frais qu’un salarié justifie avoir exposés pour les besoins de son activité professionnelle et dans l’intérêt de l’employeur doivent être remboursés sans qu’ils ne puissent être imputés sur la rémunération qui lui est due (Cass. soc., 25 février 1998, n° 95-44.096 ; Cass. soc., 6 juillet 2022, n° 21-11.165 ; Cass. soc., 27 mai 2025, n° 24-10.866). Il s’agit même d’un principe général du droit selon le Conseil d’État (CE 17 juin 2014, n° 368867).

Ainsi, les frais de dépistage de la Covid-19 engagés par le salarié, qui avait l’obligation de faire des tests pour aller travailler, ayant fait le choix de ne pas se faire vacciner, ne constituent pas des frais professionnels exposés dans l’intérêt de l’employeur (Cass. soc., 27 mai 2025, n° 24-10.866).

Encore convient-il que le salarié apporte la justification de l’engagement de tels frais.

Tel n’était pas le cas dans l’arrêt du 10 septembre 2025 : la salariée, assistante éleveuse, ne fournissait aucun justificatif lié aux dépenses alléguées de nourriture, nettoyage, brossage et déplacements chez le vétérinaire concernant le chaton accueilli à son domicile, susceptibles de justifier la demande en remboursement de frais.


« Anne-Laure PERIES, Avocate associée Capstan, spécialiste en droit social »
 
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