Nos actualités juridiques

Actualité récente de la Cour de Cassation sur le pouvoir disciplinaire de l'employeur et sur les frais professionnels

Une faute identique n’impose pas une sanction identique entre deux salariés

Cass. soc., 17 septembre 2025, n° 23-22.456

 

S’il est interdit à l’employeur, à peine de nullité de la mesure, de pratiquer une discrimination, au sens de l’article L 1132-1 du Code du travail, il lui est permis, dans l’intérêt de l’entreprise, et dans l’exercice de son pouvoir d’individualisation des mesures disciplinaires, de sanctionner différemment des salariés ayant participé à une même faute.

En d’autres termes, le fait de sanctionner différemment des salariés ne constitue pas en soi une discrimination au sens de la loi. L’employeur peut même décider de ne pas sanctionner l’ensemble des salariés fautifs, mais seulement certains d’entre eux (Cass. soc., 17 décembre 1996 n° 95-41.585 ; Cass. soc., 20 janvier 1999 n° 96-45.340).

En l’espèce, des soupçons d’abus sexuels sur mineurs sont survenus au sein d’une famille bénéficiant d’un contrat d’aide éducative via une association. Trois salariées de cette structure ont été sanctionnées pour avoir révélé tardivement ces faits à leur direction. Deux ont fait l’objet d’un licenciement pour faute grave, la troisième d’un avertissement. L’une des salariées licenciées a saisi la justice pour contester la rupture de son contrat.

Dans cette affaire la Cour de cassation a relevé que l’individualisation des sanctions disciplinaires était justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination ou détournement de pouvoir.

En effet, il ressort des éléments factuels que les premiers éléments laissant craindre des abus sexuels sur mineures avaient été connus en décembre 2018, sans qu’il en soit fait état auprès de la hiérarchie. À ce stade, toutes les salariées étaient donc fautives.

Puis de nouveaux éléments alarmants étaient apparus en janvier et février 2020 et n’avaient là encore pas donné lieu à signalement immédiat.

Mais l’une des salariées ne suivait plus la famille en question depuis septembre 2019. Il ne pouvait donc pas lui être reproché de ne pas avoir fait état de ces nouveaux éléments. C’est la raison pour laquelle l’employeur a choisi de ne la sanctionner « que » par un avertissement, au titre du défaut de signalement des faits de décembre 2018.

À l’inverse, l’autre salariée avait toujours la charge du suivi de la famille sur la période janvier/février 2020, de sorte qu’elle avait manqué à ses obligations à plusieurs reprises. Le choix d’une sanction plus lourde était donc fondé.

Pas de remboursement de frais professionnels sans justification

Cass. soc., 10 septembre 2025, n° 24-11.064

En application de la règle selon laquelle les frais professionnels engagés par le salarié doivent être supportés par l’employeur, les frais qu’un salarié justifie avoir exposés pour les besoins de son activité professionnelle et dans l’intérêt de l’employeur doivent être remboursés sans qu’ils ne puissent être imputés sur la rémunération qui lui est due (Cass. soc., 25 février 1998, n° 95-44.096 ; Cass. soc., 6 juillet 2022, n° 21-11.165 ; Cass. soc., 27 mai 2025, n° 24-10.866). Il s’agit même d’un principe général du droit selon le Conseil d’État (CE 17 juin 2014, n° 368867).

Ainsi, les frais de dépistage de la Covid-19 engagés par le salarié, qui avait l’obligation de faire des tests pour aller travailler, ayant fait le choix de ne pas se faire vacciner, ne constituent pas des frais professionnels exposés dans l’intérêt de l’employeur (Cass. soc., 27 mai 2025, n° 24-10.866).

Encore convient-il que le salarié apporte la justification de l’engagement de tels frais.

Tel n’était pas le cas dans l’arrêt du 10 septembre 2025 : la salariée, assistante éleveuse, ne fournissait aucun justificatif lié aux dépenses alléguées de nourriture, nettoyage, brossage et déplacements chez le vétérinaire concernant le chaton accueilli à son domicile, susceptibles de justifier la demande en remboursement de frais.

En savoir plus

Décisions récentes de la Cour de Cassation sur des motifs de licenciement

1) L’exercice d'une profession réglementée sans diplôme peut-il constituer une faute grave de la part du salarié ?

Dans un arrêt de la chambre sociale du 26 mars 2025, la Cour de cassation a sanctionné une entreprise qui a licencié pour faute grave une salariée qui occupait un emploi de préparatrice en pharmacie durant plusieurs années sans posséder le diplôme de préparateur en pharmacie ni bénéficier de l'autorisation préfectorale d'exercice.

Même s'il s'agit d'une profession réglementée et que le contrat de cette salariée soumettait expressément l'emploi à la détention de ce diplôme, le fait que l'entreprise ait poursuivi les relations contractuelles pendant plusieurs années avec cette salariée sans vérifier qu'elle disposait de la qualification nécessaire à l'emploi de préparatrice en pharmacie l’empêchait de pouvoir invoquer la violation d'une réglementation. 

L’employeur ne pouvait pas se prévaloir de sa négligence pour reprocher à la salariée une faute grave, même si en l’espèce, la salariée n'avait pas répondu aux demandes de diplôme transmises par l'employeur sous la forme de deux mises en demeure et même si la salariée n'avait pas informé l'entreprise du caractère illicite de son statut, ce qui pouvait engager la responsabilité pénale de son employeur. 

La sévérité de la Cour de cassation démontre que l'employeur doit être très attentif dès les formalités préalables à l'embauche à la détention par le futur salarié des diplômes nécessaire, d'autant plus lorsqu'il s'agit d'une profession réglementée, notamment par le code de la santé publique. Cela s’applique notamment aux aides-soignants et aux infirmiers. 
 
(Cass.soc. 26 mars 2025, n°23-21.414)
 

2) Un comportement déplacé d’un cadre à l'égard d'une salariée peut-il constituer une faute grave ?

Selon une jurisprudence constante, un motif tiré de la vie personnelle du salarié ne peut pas en principe justifier un licenciement pour faute à moins qu'il constitue un manquement du salarié à une obligation découlant de son contrat de travail.
 
Selon l'article L 4122- 1 du code de du travail, tout salarié doit prendre soin de sa santé et de sa sécurité ainsi que de celle de ses collègues et d'autres personnes se trouvant en sa présence sur son lieu de travail et ce en fonction de sa formation et de ses possibilités. 
 
Dans cette affaire jugée par la Cour de cassation le 26 mars 2025, le médecin du travail avait alerté l'employeur qu'un salarié cadre avait un comportement déplacé envers une collaboratrice alors que celle-ci avait exprimé le besoin d'en rester à une stricte relation professionnelle. Il en résultait pour elle une souffrance au travail.
Apparemment, les salariés s’étaient vus en dehors du lieu de travail mais le cadre avait encombré le téléphone et la messagerie professionnelle de la collaboratrice de messages de plus en plus insistants, n'hésitant pas à faire valoir sa qualité du membre du comité directeur
 
Il en ressortait que, pendant le temps de travail et sur le lieu de travail, ce salarié n'avait de cesse de tenter d'entretenir une relation malgré le refus clairement opposé par une collaboratrice. Les juges suprêmes ont retenu un manquement aux obligations de ce collaborateur à ces obligations découlant du contrat de travail, même si la salariée visée n'était pas sa sous sa subordination directe. 
 
Un tel comportement était incompatible avec ses responsabilités de cadre et une telle attitude de nature à porter atteinte à la santé psychique d'une autre salariée rendait impossible son maintien au sein de l'entreprise. 
 
(Cass.soc. 26 mars 2025, n°23-17.544 F-B)
En savoir plus

Arrêt maladie : les périodes non prescrites entre deux arrêts ne sont plus indemnisées par la sécurité sociale

Sur son site internet, l'assurance maladie indique que le traitement, par l’Assurance Maladie, des périodes non couvertes par une prescription de repos entre deux arrêts de travail a évolué depuis septembre 2024 pour les salariés.

Cette évolution met fin à la dérogation qui permettait jusqu’alors de maintenir l’indemnisation lorsque la période non prescrite entre deux arrêts n’excédait pas une durée de trois jours. 

Les périodes non prescrites entre deux arrêts de travail en maladie ne sont donc plus indemnisées.

 

Plafonnement des IJ maladie : l’impact du décret

D. nº 2025-160 du 20 février 2025

À compter du 1er avril 2025, le plafond de revenus pris en compte dans le cadre du calcul des indemnités journalières versées par l’Assurance maladie sera abaissé de 1,8 à 1,4 Smic.

En reprenant la valeur actuelle du Smic [1 801,80 € bruts depuis le 1er novembre 2024, NDLR], le salaire de référence maximal pouvant être pris en compte passerait pour les arrêts de travail intervenant à compter du 1er avril 2025 de 3 243,24 € (plafond de 1,8 Smic) à 2 522,52 € (plafond de 1,4 Smic) et le montant maximal de l’IJSS de 53,31 € à 41,47 €.

Soit, pour un salarié percevant par exemple un salaire mensuel de 2 800 € brut qui est en arrêt de travail pour maladie :

  • calcul du salaire journalier de base (SJB) = 92,05 € (correspond à la moyenne du salaire perçu au cours des trois derniers mois divisé par 91,25 jours, soit 2 800*3/91,25) ;
  • montant maximal de l’IJ pour les arrêts survenant à compter du 1er avril 2025 : 41,47 € (avant 53,31 €) ;

Avant le 1er avril 2025, le salaire de base du salarié était inférieur au plafond de 1,8 Smic, le calcul de l’IJ versée par l’assurance maladie aurait été de 50 % du SJB, soit 46,02 € (montant inférieur au plafond de 53,31 €)

Après le 1er avril 2025, en raison du plafonnement du salaire de base à 1,4 Smic, le salarié percevra au maximum une IJSS de 41,47 €, au lieu de 46,02 €.

Quelles seront les conséquences pour les SSIAD ?

La conséquence est double.

L’employeur est tenu à une obligation de maintien de salaire dont le montant diffère en fonction de l’ancienneté du salarié et de la durée de l’arrêt de travail, obligation très souvent améliorée par la convention collective, voire par des normes adoptées au niveau de l’entreprise. Le maintien de salaire est déterminé sous déduction des IJ versées par la sécurité sociale. En conséquence, la baisse du montant des IJSS impactera mécaniquement le complément de rémunération devant être maintenu par l’employeur et générera un passif social supplémentaire pour les entreprises.

Les salariés peuvent également bénéficier dans leur entreprise de régimes de prévoyance complémentaire les couvrant au titre de l’incapacité de travail. Dans ce cadre, les prestations versées au titre de cette garantie, les indemnités journalières complémentaires (IJC), sont également calculées sous déduction des IJ versées par la sécurité sociale. Dans la mesure où ces garanties ont pour objet de maintenir un pourcentage déterminé du salaire brut ou net, la baisse du montant des IJSS pour certains salariés impliquera que les IJC versées pour les compléter soient plus importantes. Les comptes de résultat des régimes de prévoyance seront donc nécessairement impactés, dans des proportions plus ou moins importantes selon que les salariés en arrêt de travail auront une rémunération inférieure ou supérieure au plafond de 1,4 Smic.

Cette mesure va-t-elle forcément se traduire par une augmentation des cotisations prévoyance à la charge des entreprises et des salariés ?

Dès lors que l’abaissement du plafond des IJ versées par la sécurité sociale devrait impliquer une hausse du montant des IJ complémentaires versées, les cotisations des régimes de prévoyance complémentaire vont sûrement augmenter.

Le montant de l’augmentation dépendra toutefois de l’impact estimé de la mesure au regard de la cartographie des arrêts de travail des entreprises, en particulier en fonction de la proportion des salariés percevant entre 1,4 et 1,8 Smic pour lesquels les IJC versées seront en pratique plus importantes que ce qui avait pu être anticipé par l’assureur. La situation financière des contrats collectifs déterminera également la façon dont cette charge supplémentaire pourra être couverte, des mesures alternatives aux hausses de cotisations pouvant parfois être envisagées.

Cette mesure va permettre à l’État de faire des économies [Le ministère du Travail évoquait en octobre 2024 0,6 milliards d’euros d’économies pour l’Assurance maladie, NDLR]. Le financement des régimes de prévoyance complémentaire étant généralement couvert par les entreprises et les salariés, la charge de cette économie sera donc en pratique reportée sur les dispositifs de prévoyance complémentaire, et donc sur les entreprises et les salariés. Même pour un salarié ayant accès à un régime de prévoyance complémentaire compensant la baisse du montant des IJSS, l’impact ne sera pas totalement neutre puisqu’il pourrait voir le montant de sa cotisation salariale augmenter [sur l’alerte du centre technique des institutions de prévoyance (Ctip)].

Pensez-vous qu’elle aura un impact sur l’absentéisme des salariés ?

Cette mesure pourrait dissuader un salarié de se mettre en arrêt maladie s’il ne peut pas bénéficier d’un maintien de salaire de son employeur (par exemple en cas d’ancienneté insuffisante) ou de l’intervention d’un régime de prévoyance complémentaire pour neutraliser la baisse des IJSS. En effet dans ce cas, le salarié subirait une perte sèche. À noter toutefois que le montant des IJSS était déjà plafonné avant la parution du décret, et que la nouvelle mesure impactera en pratique les salariés percevant une rémunération comprise entre 1,4 Smic et 1,8 Smic par rapport à la situation antérieure.

En outre, dans un contexte de généralisation des couvertures de prévoyance complémentaire, notamment à l’initiative des partenaires sociaux au niveau des branches, la baisse des IJSS sera pour un grand nombre de salariés sans effet direct au regard du niveau de la rémunération maintenue en cas d’arrêt de travail pour maladie. Ce n’est donc pas tant la baisse du montant des IJSS qui peut impacter l’absentéisme des salariés que l’attractivité des dispositifs de maintien de salaire et de prévoyance complémentaire dont ils peuvent bénéficier.

 

Nous vous invitons à faire le point de vos contrats de prévoyance, compte-tenu de cette actualité.

En savoir plus

Aides à l’apprentissage : nouveaux montants 2025

Les modalités de l’aide financière accordée pour le recrutement d’un apprenti changent en 2025.

Dans le courant du mois de janvier 2025, un décret déterminera l’aide au recrutement d’apprentis selon les nouvelles modalités suivantes :

  • 6 000 € maximum pour le recrutement d’apprentis en situation de handicap ;
  • 5 000 € maximum pour les entreprises de moins de 250 salariés ;
  • 2 000 € maximum pour les entreprises de 250 salariés et plus.

A noter : dans l’attente de la publication du décret, l’aide unique d’un montant de 6 000 € maximum s’applique pour les contrats conclus à partir du 1er janvier 2025. Cette aide concerne uniquement les entreprises de moins de 250 salariés pour le recrutement d’un apprenti préparant un titre ou diplôme jusqu’au niveau baccalauréat (bac+2 pour les Outre-mer). Elle est versée pour la première année d’exécution du contrat seulement.

Pour les contrats visant quelle certification ?

L’aide concernera chaque contrat d’apprentissage conclu dès le lendemain de la publication du décret (courant janvier 2025) préparant à tout diplôme ou titre professionnel jusqu’au niveau master : bac +5 – niveau 7 du répertoire national des certifications professionnelles (RNCP).

Quelles sont les modalités de versement ?

La gestion et le suivi de l’aide est confiée à l’Agence de services et de paiement (ASP). Elle est versée automatiquement.

Quelles sont les démarches à effectuer ?

L’employeur devra transmettre le contrat d’apprentissage qu’il a conclu à l’opérateur de compétences (OPCO) compétent dans son domaine/ secteur d’activité pour instruction, prise en charge financière et dépôt auprès des services du ministère en charge de la formation professionnelle (DECA). Le ministère assure la transmission des contrats d’apprentissage éligibles à l’ASP en charge de la gestion du dispositif et du versement de l’aide à l’entreprise.

(Extrait communiqué du Ministère du travail – 31/12/2024)

 

En savoir plus

Titres restaurant : la dérogation d’usage est prolongée jusqu’en 2026

Loi n° 2025-56 du 21 janvier 2025

Afin de soutenir le pouvoir d’achat des salariés, la loi du 16 août 2022 sur le pouvoir d’achat avait permis l’utilisation jusqu’à fin 2023 des titres restaurants pour l’achat de tous les produits alimentaires dans les magasins de grande distribution. Le dispositif avait été prolongé en 2024 par la loi du 26 décembre 2023.

La loi n° 2025-56 du 21 janvier 2025 prolonge finalement de 2 ans la dérogation d'usage des TR pour tout produit alimentaire, jusqu’au 31 décembre 2026.

En savoir plus